« Je baisse l’azote sur du blé qui reste meunier »
Sur une zone de captage d’eau potable, Éric Voisin diminue la fertilisation de son blé, tout en demeurant dans les critères de panification des Moulins Viron.
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Depuis plusieurs années, les teneurs en nitrates dépassent la norme de potabilité (fixée à 50 mg/l) sur plusieurs aires de captages prioritaires de l’Eure-et-Loir. Sur le secteur de Bonneval, en 2022, la teneur moyenne atteint 53,5 mg/l. Les Moulins Viron, qui commercialisent la farine Rétrodor, a décidé d’établir un cahier des charges spécifique pour cette zone.
Un taux de protéines qui peut descendre à 10 %
Le moulin et la coopérative de Bonneval, Beauce et Perche ont mis en place en 2020, un contrat de blés « éco-responsables » avec une rotation diversifiée et un taux de protéines qui peut descendre à 10 %, sans pénalité. En échange, l’agriculteur perçoit une prime de 10 €/t de blé.
Pour Marie David, responsable des filières à la coopérative de Bonneval, « ce cahier des charges permet une transition agronomique en douceur ». Éric Voisin, agriculteur à Montboissier, est très motivé par cette démarche. Sur ses 130 hectares non irrigués, il cultive des céréales, des sapins et du lavandin, et tente depuis plusieurs années de réduire les intrants grâce à une approche en agriculture de conservation.
Pour répondre au cahier des charges du meunier, il cultive 50 hectares de blé tendre dont 15 hectares en blé éco-responsable Ultim, une variété panifiable résistante à la verse. Pour ce qui est de la fertilisation, le contrat impose une diminution de 10 % des doses préconisées par le plan de fumure. Est-ce possible en maintenant les rendements ?
Fractionner
Il effectue des analyses de sol trois fois par an, pour mieux comprendre son fonctionnement. « Les années sèches, il restait encore 30 à 50 unités dans mon sol après la moisson, des nitrates non valorisées. Je fractionne donc en quatre les apports. Ainsi, je peux faire l’impasse sur le dernier apport en cas de météo très sèche. »
C’est le cas en 2022-2023. Le plan de fumure préconise 175 unités d’azote. Avec la réduction, Éric arrive à 158 unités. Il les fractionne en trois apports. En avril, les analyses du N-tester lui recommandent 40 unités de plus, mais il fait l’impasse. À la moisson, il atteint quand même 81 quintaux par hectare, un très bon rendement pour ses limons, et un taux de protéines à 10,86 % accepté sans réfaction par les Moulins Viron.
« Je perds 2 à 3 quintaux par hectare par rapport à l’optimal, c’est raisonnable, juge le céréalier. Ce n’est pas encore possible de réduire de 100 unités, mais 20 ou 30, sont accessibles. »
Des couverts pour l’azote
Éric met en place des couverts, un mélange avec six plantes au minimum (trèfle, pois, féverole, radis asiatique, tournesol, phacélie, moutarde d’Abyssinie…). Son objectif est d’atteindre 3 ou 4 tonnes de matière sèche par hectare. Cette couverture du sol absorbe puis restitue une partie de l’azote à la culture suivante.
En 2023, les reliquats azotés après moisson étaient de 50 unités par hectare. En octobre, après le couvert, ils étaient de 75 unités. Éric a donc gagné 25 unités grâce aux couverts et pourra diminuer la dose au prochain blé. « Je fais ce type de couvert depuis cinq ans et je commence juste à en voir les effets positifs sur l’azote. C’est long », souligne Éric.
En ce qui concerne la rentabilité de l’opération, Éric économise environ 1 €/unités d’azote, soit 17 euros par hectare, mais « perd » 3 quintaux par hectare de rendement (60 €). Le mélange des couverts lui coûte entre 50 et 100 €/ha. La prime de 10 €/t, soit environ 85 €/ha, compense ces nouvelles pratiques. Mais Éric relativise : « En année favorable, il y a très peu d’impact sur les rendements. La prime compense le risque pris les années défavorables. »
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